• Les camions défilent devant moi vidant ce qui était ma maison. Ils emportent avec eux une partie de mon enfance brisée. Lorsque je rentre à nouveau dans cette maison je ne ressens rien, ni joie, ni tristesse que du vide, comme cette pièce. Les murs sont blancs, le carrelage gris est froid.  Je sors et m’assois sur une souche au fond du jardin. Le calme y règne, seul persiste le bruit des moteurs des camions qui démarrent. Bizarrement, je sens une larme unique rouler sur ma joue gauche. Elle descend lentement, épousant chaque courbe de mon visage, puis enfin arrivée à l'extrémité de celui-ci elle vient s'écraser sur ma main. Je la contemple sans trop comprendre. Je quitte se foyer chaud mais démunit d’amour, je ne devrais pas pleurer. J'essuie ma peau là où l'eau salé est passé, aucune autre larme ne vient, je ne dois pas pleurer, ils apprécieraient trop.

    Fatiguée, j’ouvre ma sacoche et attrape mon carnet. C’est un petit carnet avec une couverture de cuir noir taché de peinture rouge datant d’il y a maintenant presque 9 ans. Je caresse le vieux cuir tout en le contemplant. Il m’a été offert par ma mère biologique le jour de mes 6 ans. A l’intérieur, sur les pages jaunis par le temps, se trouve des dessins griffonnés ou recherchés, des mots, des phrases, des pensées et des notes éparpillés, se croisant, se superposant, si bien que certaines sont illisibles. Je trouve une page encore vierge et prend mon crayon le plus sombre. Je commence par dessiner un œil de rapace à la pupille noir comme de l’encre de chine. Puis de belles ailes couleur charbon avant de dessiner le reste du corps de mon phénix noir. Pour terminer je lui fais tenir une sphère entre ses serres au-dessus de flammes de la même couleur que le phénix. Je regarde mon dessin sous tous les angles sans comprendre son sens exact, il me plaît pourtant il me semble incomplet. Je continue alors travaillant les contrastes, détaillant les plumes ainsi que les flammes, cherchant ce qui me manquait, cherchant à combler ce vide que m'inspirait ce dessin.

    La voix suraiguë de Célia m’arrache à ma rêverie, si on peut appeler cela ainsi, m’ordonnant de monter dans la voiture. Je m’exécute et range mes affaires abandonnant l'idée de combler ce vide, avant de me diriger vers la voiture. Quand je monte Pierre est au téléphone dans l’une de ces conversations que seuls les adultes peuvent comprendre. Pierre est un homme de grande taille, et porte toujours un smoking, du moins c’est ce que je suppose parce que je ne le vois presque jamais. Tous ce qui lui appartient est très chère sauf peut-être sa femme. Célia est mariée à Pierre, surement pour son argent, c’est une femme plutôt belle, aujourd’hui ses cheveux sont teints en blond platine avec de somptueuse anglaises. Elle a, elle aussi, des habitudes vestimentaires, soit une jupe, soit une robe mais toujours courtes, et au grand jamais un pantalon qui la démunirai de tout son éclat en tant que femme. Il faut par ailleurs noter que le haut de sa tenue possède toujours un décolleté.

    Je m'installe et regarde, ensuite, le paysage défiler derrière la fenêtre. Les couleurs et les formes s'enchaînent, se mélangent, pour constituer une image flou. La voix grave de Pierre résonne dans la voiture, je crois qu’il me parle. Je me retourne et tente de l’écouter malgré mon manque de concentration :

    « Je te dis que ça lui fera le plus grand bien ! » s’exclame Célia en lui tendant une brochure et me vrillant les tympans au passage. Après quelques secondes me permettant de retrouver mon ouïe il répond:

    « Ce n’est pas la peine elle ne voudra jamais. »

    « Mais qui lui demande son avis à elle ! Elle fait ce qu’on lui dit un point c’est tout ! »

    Pierre me regarde, j'affiche un sourire artificiel sans comprendre pourquoi, un automatisme. Célia me regarde à son tour avant de me dire:

    « Bon, comme tu es une petite je vais t'expliquer simplement. Dès demain tu iras dans une magnifique pension de luxe. Tu nous verras pendant les vacances. »

    Je la regarde et acquiesce simplement. Je peux apercevoir un immense sourire apparaître sur le visage de Célia avant de me remettre à regarder le paysage.

    Je m'appelle Espérance et j'ai 14 ans. Ces deux personnes sont mes parents adoptifs et aujourd'hui est un nouveau départ: nouvelle école, nouvelle maison, nouvelle vie! Sauf que pour moi ce nouveau départ est synonyme d'enfer.


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    Qu’on le veuille ou non le passé fait partie de nous. On peut tenter de l’oublier mais il reste en nous à jamais. L’histoire d’une fille au passé terrifiant et à qui la vie a tout pris jusqu’à maintenant.

     

    « Je m’appelle Espérance, j’ai 14 ans et aujourd’hui est un nouveau départ, nouvelle école, nouvelle maison, nouvelle vie. »

     

    Pour Claire, Laura Lauréline.

     

    Voici une petite intro du livre que j'écris, à plus


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